Joseph-David Choquette, mort dans un
accident de travail



Transcription de l'article ci-contre, paru dans La Presse de Montréal,
le samedi 11 avril 1931

(documentation personnelle de Gaston Choquette)

Le plus tragique accident de travail qu'on ait vu cette année s'est produit, hier après-midi, un peu après deux heures, rue Sherbrooke, dans le tunnel pour piétons que la ville fait ouvrir à proximité de l'hôpital Notre-Dame, lorsqu'un éboulis entraînant l'effondrement d'une charpente a causé la mort d'un ouvrier, père de sept enfants.

Trois autres journaliers ont vu la mort de près, mais furent retirés à temps des décombres et transportées à l'hôpital, situé à deux pas du lieu de l'accident, ou ils furent pansés par les internes.

La victime est M. Joseph-David Choquette, 35 ans, 4519 rue Bordeaux, marié et père de sept enfants, qui a trouvé une mort atrocement douloureuse, écrasé par la charpente et enlisé dans la terre glaise.

Les autre blessés sont: M. John Fitzsimon, 34 ans, 1930 rue DeLorimier, qui était à quelques pieds de la victime au moment de l'accident. Il souffre de blessures à la tête, mais il est retourné chez lui après avoir été traité par les médecins. Ces blessures ne sont pas très graves. Ce n'est que par miracle qu'il a été sauvé.

M. Alphonse Bugeaud, 38 ans, 3989 rue S.-André, est le seul des trois blessés qui reste à l'hôpital, sous observation. Il souffre de lésions internes.

John Bellini, 53 ans, 6564 Marquette, est retourné aussi à sa demeure après avoir été pansé par les médecins de l'hôpital. Ses blessures n'étaient pas graves.

L'effondrement

L'accident se produisit un peu après deux heures alors que M. Maurice Monteimglio, chef d'équipe, était en charge des travailleurs. La victime était dans le caisson d'après le récit d'un des blessés, et était en train de faire des formes. Tout à coup un bruit sourd se fit entendre et quelqu'un cria éperdument: "Watch out" - (Prenez garde). La terre venait de céder par le bas et entraînait avec elle la charpente de bois qui la retenait. Les ouvriers qui se trouvaient dans le trou à ce moment là, se dispersèrent, chacun cherchant salut dans la fuite. La victime seule, resta dans le caisson, et reçut toute la charge sur la tête.

Le premier mouvement de peur passé, Fitzsimon blessé lui-même, essaya de tirer Choquette de sa dangereuse position, mais il ne parvint pas à le remuer d'un pouce tant il était enlisé dans la terre. Une poutre de bois s'étant abattue sur les deux jambes de la victime et une autre reposait sur sa nuque de sorte que c'était une impossibilité matérielle pour un seul homme de dégager la victime.

Le sauvetage

Sous les ordres du chef-adjoint Oscar Marin et du chef de district Robert, les pompiers des casernes numéros 16 et 14 (l'équipe de secours) firent un travail héroïque pour sauver la malheureuse victime. Le chef de district Robert surtout, risqua pour ainsi dire sa propre vie, car le bord de l'excavation pouvait céder à tout moment. il descendit quelques pieds sur les poutres restées debout, pour aller saisir le corps de Choquette et l'en tirer à la surface avec plus de précautions.

MM. F. Beaulieu, 23 ans, 2457 Logan; Wilfrid Huard, 2391 Bordeaux et un italien dont le nom reste inconnu ont coopéré avec beaucoup de courage et de générosité pour sauver la victime.

À la surface

Ce n'est que vers 4 heures, après des efforts inouïs, que les sauveteurs parvinrent à ramener Choquette à la surface. Lentement, les pompiers et les volontaires tirèrent sur le câble, qu'on avait passé autour de son corps, pendant qu'il était encore à moitié enseveli. Lorsqu'on parvint à le ramener au dessus de l'excavation, l'abbé Elzéar Choquette, aumônier de l'hôpital Notre-Dame donna l'absolution à la victime à une distance de dix à douze pieds. Deux médecins s'empressèrent auprès du malheureux, mais pour constater que la mort avait déjà fait son oeuvre.

Ouvrier modèle

Une fois le cadavre étendu sur la terre ferme, les autorités de l'hôpital cherchèrent dans les poches pour découvrir le nom de la victime. L'identification fut faite grâce à la carte que le défunt avait sur lui. On trouva aussi attaché à son trousseau de clefs, le numéro de matricule (487) -S.-Georges Gauvreau. La montre fonctionnait encore, mais marquait 3 heures, alors qu'il était précisément 4 heures. Tous les ouvriers qui travaillaient avec la victime se sont accordés à dire qu'il était d'une humeur engageante, et un ouvrier de première main.

Sept enfants

Le malheureux père de famille que la mort a choisi parmi quatre autres ouvriers, était marié et avait sept enfants. Il avait été sans travail depuis trois mois, et n'avant commencé à travailler que mercredi dernier sur ce chantier. Le capitaine Lemelin, le sergent Huneault, du poste numéro 14 se rendirent sur les lieux, assistés de plusieurs hommes de police et maintinrent l'ordre.

Une foule extraordinaire et attristée attendait le dénouement de cette tragédie. Le corps a tété transporté à la morgue où une enquête aura lieu ce matin.

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