Docteur Choquet chez les autochtones du Montana
 

John Philip Sergeant, de Pickering, Ontario, nous a fait parvenir une histoire de famille très intéressante écrite en septembre 1983 par sa grand-mère, Marguerite Leonora Choquette.  Elle relate la vie fascinante de Laurent Henri Choquette, qui fut le premier docteur blanc de la tribu des Flathead au Montana.  L'histoire du fils de Laurent Henri, Laurent Robert, est également racontée..



LAURENT HENRI, fils de Henri Choquet et Delphine Laurent est né le 9 août 1843, à Varennes, Québec.  Il était un garçon très aimé dans son entourage.  Lorsqu'il était à l'école, un professeur l'encouragea à développer sa voix, qui était très belle.  Il l'aida à se perfectionner, et après quelques années, Laurent Henri devint un très bon chanteur. Il chantait souvent dans la chorale de l'église et était appelé à donner des concerts. Il était un avide lecteur, et ses livres favoris étaient ceux qui racontaient les histoires du Far-West.  Elles l'intriguaient et le faisaient rêver.  C'était à l'époque du fameux slogan "Go west young man".  Il devint médecin et épousa Hermine Brunet.

Le périple vers le Montana

Laurent Henri, qu’on appelait simplement Henri, était médecin à St-Philippe-la-Prairie (Québec). Il était père de quatre enfants: Henri, Laurent Robert, Ernestine et Regina. Deux d’entre eux sont décédés alors qu’ils étaient bébés. Henri s’intéressait toujours à l’Ouest et à son développement grandissant. Nulle surprise qu’il décida de s’y rendre quand le gouvernement demanda aux jeunes hommes d’aller aider à fonder des nouvelles villes dans l’Ouest. Il postulat et fut accepté d’emblée. Le gouvernement l’embauchât comme médecin pour les autochtones à Ronan au Montana (U.S.A.). Hermine n’était pas aussi enchantés qu’Henri à propos du déménagement mais comme sa mère allait emménager avec eux, elle accepta d’y aller. Henri s’y est rendu seul, puis, quelques mois plus tard, son épouse, sa belle-mère et les enfants l’on rejoint. Le voyage se faisait en train et en chariot. Henri se rendit aussi loin que possible en train, puis s’est procuré un cheval et s’est joint à un groupe pour se rendre à destination. Il était enchanté par les paysages et les beaux couchers de soleil.

Le choc culturel

À son arrivée au Montana, il se rendit compte qu’il était le premier médecin de race blanche à desservir la tribu “Flathead”. Il devait aussi voir aux familles blanches de différentes nationalités qui étaient venues s’établir aux alentours. Les autochtones avaient leur propre médecin et n’accordaient que peu de confiance au médecin blanc. Un agent du gouvernement habitat avec lui un certain temps pour lui montrer le territoire qu’il devait couvrir. Il fit la rencontre d’un jeune prêtre qui, comme lui, venait d’arriver et devait couvrir un grand territoire pour voir aux besoins moraux des intéressés. Henri était satisfait de la maison qu’on lui assigna: une grande maison ayant une cour clôturée, à près d’un quart de mile de la réserve. Les autochtones semblaient amicaux mais peu habitués aux blancs. S’ils n’aimaient pas quelqu’un, ils se peignaient le corps, dansaient autour d’un feu, puis galopaient chez leurs victimes pour encercler leurs maisons. Henri voulait se faire ami avec eux. Il savait que la tâche ne serait pas facile puisqu’ils avaient déjà leur propre médecin. Il s’inquiétait aussi à la pensée que son épouse et sa belle-mère n’allaient sans doute pas s’adapter facilement à leur nouveau style de vie.

Henri, frère de la Tribu Flathead

Dès l’arrivée d’Henri, il se produit un incident qui allait jouer en sa faveur. Il vit qu’un enfant autochtone, le neveu du chef, était très malade. Il gesticula et grâce aux quelques mots qu’il avait appris, fit comprendre au chef qu’il pouvait aider le garçon. Le chef lui signifia sa confiance en leurs propres méthodes. Henri repartit donc sans intervenir. Le soir suivant, on l’envoya chercher par un jeune garçon de la tribu qui lui fit comprendre de le suivre, ce qu’il fit. À son arrivée sur la réserve, Henri diagnostiqua une fièvre et administra des médicaments. Il n’osa pas quitter puisqu’il n’avait aucun moyen de leur laisser des directives.

Le garçon alla mieux dès le matin suivant. Le médecin autochtone avait effectué un traitement à l’extérieur du teepee en dansant, en faisant des sons d’incantation et tenta de persuader le chef que c’est lui qui avait guéri l’enfant. Le chef, qui était resté auprès d’Henri toute la nuit, était impressionné par sa douceur et son sac noir contenant des instruments et des fioles. Il fit appeler les aînés et tous fumèrent la pipe avec Henri. C’était tout un honneur. C’est ainsi qu’Henri est devenu frère des Flatheads. Le chef était un homme sage et juste; il se lia d’une profonde amitié avec Henri.

L’Arrivée de la famille d’Henri

Henri était devenu habitué au nouveau pays et à son mode de vie quand sa famille vint l’y rejoindre. Il aimait particulièrement les montagnes juste à l’Ouest de Ronan (aussi appelées Bitterroot range). Au Nord se trouvait un joli lac appelé le lac Flathead (photo de gauche). Tout près se trouvait une ville en plein essor, Missoula (photo de droite). On allait y construire un collège et beaucoup d’édifices. Le premier soir dans leur nouvelle maison, les enfants étaient très excités de retrouver leur père; ils avaient plein d’histoires à lui raconter. Hermine et sa mère étaient très fatiguées et mirent les enfants au lit tôt. Elle était menue et avait de beaux cheveux blonds qu’elle brossait tous les soirs avant de se coucher. Henri n’avait pas eu le temps de poser des rideaux et, alors qu’elle se brossait les cheveux, elle entendit du bruit et tourna son regard vers la fenêtre. Elle eut très peur lorsqu’elle aperçut plusieurs autochtones le visage collé à la fenêtre pour la regarder.

L’ange blanc

Henri avait deux petits chiens, des terriers noir et blanc. Ils s’appelaient respectivement Beau et Belle. Les garçons étaient très heureux et s’amusaient beaucoup avec eux. Quant à Hermine, elle était plutôt craintive et préférait que les garçons ne s’aventurent pas à l’extérieur de la cour. Cependant, ils tenaient de leur père son côté aventurier et sortirent rapidement de la cour puis, commencèrent à jouer avec les enfants autochtones. Ils accompagnaient parfois leur père lors de ses visites auprès des autochtones et il arrivait que quelques-unes des femmes âgées, “squaws” comme on les appelait, leur donne des cadeaux de fabrication artisanale: des souliers ou des vestes de peau de daim auxquels elles avaient brodé des billes. Ils faisaient bien de ne pas refuser et porter les cadeaux qu’on leur offrait, les autochtones étant très sensibles sur ce point. En peu de temps. Les enfants jouaient en mocassins dans leurs nouveaux habits de daim. N’eût été de leur teint clair, on les aurait pris pour des autochtones. Henri s’inquiétait pour le bien-être de sa famille. Il leur avait expliqué qu’il était important que les autochtones les acceptent. Peu après leur arrivée, il a demandé à Hermine et sa mère de préparer un très gros gâteau; il allait inviter le chef et quelques-uns de ses hommes pour venir en manger à la maison. Lorsqu’ils sont venus, Hermine tremblait de peur et sa mère a dû s’occuper du service. Henri lui avait demandé d’en offrir d’abord au chef. Ce dernier s’en est rempli les poches morceau par morceau. Il l’a tout pris. La pauvre Mme Brunet était muette d’étonnement. Henri lui a suggéré de ne servir aux autres qu’un morceau à la fois, ce qu’elle a fait. Ça s’est bien déroulé de cette façon. Les autochtones, après voir épié Hermine avec sa mère, lui ont donné un nom autochtone signifiant: “l’ange blanc”.

Un autre choc culturel!

Henri travaillait d’arrache pied pour apprendre l’anglais et le dialecte des Flatheads en même temps. Les enfants, quant à eux, apprenaient l’anglais à l’école et le dialecte auprès de leurs petits amis. Un an après leur arrivée, ils ont eu un fils: Ernest. À cette nouvelle, les autochtones sont venus rendre visite à la famille pour exprimer leur joie. Selon la coutume, ils ont pris un gros pou noir de leur tête et l’on déposé sur la tête du bébé, pour bénir son arrivée en quelque sorte. Hermine et sa mère ont presque paniqué à la vue de ce gros pou noir sur la tête de leur bébé blond. Henri s’est empressé d’escorter ses invités à la porte pour ensuite retirer la “bénédiction” de la tête du bébé, la tuer et laver les cheveux du petit.

La naissance d’Arnold Zenon

Quelques années ont passé avant la naissance d’un autre fils. Henri et Hermine avaient décidé qu’il allait être le dernier né alors ils lui ont donné deux noms: un commençant par la première lettre de l’alphabet; le second, par la dernière. Ils l’ont nommé Arnold Zenon. Il arrivait souvent qu’Henri s’absentait plus de deux jours pour son travail; il amenait un des garçons avec lui. Ça plaisait toujours à Laurent Robert. Une fois qu’il accompagnait son père, ils ont vécu toute une expérience. Alors qu’ils revenaient à la maison, un orage électrique a éclaté. Les chevaux sont devenus surexcités, alors père et fils ont décidé d’interrompre leur parcours un moment. Ils se sont arrêtés sous des arbres, le temps que la tempête passe et les chevaux se calment. Un éclair a fait sursauter Henri. Laurent et lui sont vite sortis de la calèche. Leur cheval gisait au sol; il avait été frappé par la foudre et avait rendu l’âme. La tempête passée, ils se sont rendu à pied à la maison voisine où vivait un couple âgé. Ils les ont accueillis, leur ont donné à dîner et les ont hébergés pour la nuit. Au petit matin, ils ont prêté un cheval à Henri pour qu’il puisse rentrer à la maison.

Retour au Canada

C’est en 1891 qu’Henri et Hermine ont décidé de revenir au Canada. Ils avaient vécu à Ronan pendant huit ans. Leur fils Henri avait 15 ans et souhaitait poursuivre ses études au collège de Missoula. À leur arrivée à Montréal, les enfants étaient émerveillés d’une si grande ville. Laurent était fasciné par les édifices et les camions citernes. Quand les pompiers passaient, il les suivait et en oubliait l’heure, ce qui inquiétait sa mère. Henri, MD est décédé subitement en 1893.

LAURENT ROBERT est né à St-Philippe-la-Prairie, le 3 février 1880. Il a accompagné sa famille au Montana. À la suite du décès de son père, il est allé étudier au collège de Montréal. Plus tard, il a enseigné en anglais et en français dans un collège d’affaires. Quelques uns de ses cousins vivaient à la campagne. Il leur rendait visite souvent. Il leur arrivait d’aller à des fêtes dans le village voisin. Le 25 novembre, en l’occurrence, à la fête de la Ste-Catherine, on faisait cuire de la tire pour en faire des bonbons. Ils s’y rendaient en patins tôt en soirée. On faisait la tire puis, lorsqu’elle était refroidie légèrement, on prenait du beurre dans ses mains et les garçons choisissaient individuellement des jeunes filles avec qui ils allaient étirer la tire.

Laurent a choisi Noémie Séguin, une très jolie brunette aux yeux bruns. Après avoir étiré la tire, ils l’ont coupée en bouchées. C’était une bonne façon d’avoir du plaisir tout en apprenant à se connaître. Laurent a eu le coup de foudre pour Noémie dès qu’il la vit. Il avait 22 ans alors qu’elle en avait 16. Il lui demanda de sortir avec lui. Il aimait beaucoup la musique; il l’a amenée à des concerts et à l’opéra plusieurs fois. Il lui parlait du Montana et de son désir de retourner dans l’Ouest. Il avait pensé s’établir près des rocheuses canadiennes. L’année suivante, il est parti à Calgary en Alberta et a demandé à Noémie de l’épouser et venir vivre dans l’Ouest avec lui.

Laurent travaillait pour la compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique. Il écrivait souvent à Noémie. Elle lui manquait beaucoup. Ils se sont mariés l’année suivante, à son arrivée à Montréal, le 5janvier 1905 puis ils repartirent vers Calgary. Laurent et Noémie ont eu 5 enfants: 4 filles et 1 garçon. La photo ci-contre montre Laurent, son fils Lawrence et ses filles Marguerite (en haut à droite) et Marie (en bas à droite).  

(Photos gracieuseté de
John Philip Sergeant).


De plus amples renseignement sur la tribu des Flatheads :

Les Flatheads, également connus sous le nom de la tribu Salish de l’Amérique du Nord, habitaient à l’origine la région qui bordait la rivière et le lac Flathead, où se trouve aujourd’hui le Nord-Ouest du Montana. Le nom de Flatheads leur a été attribué par d’autres tribus nord-américaines qui vivaient le long du fleuve Columbia. Ces derniers formaient un cône à la tête de leurs bébés en la comprimant d’un genre de chapeau artisanal en forme de cône. La tête des Salish, en revanche, était de forme normale et plate, selon eux. Bien qu’ils n’étaient pas belliqueux, les Salish se défendaient avec courage. (Source : Microsoft® Encarta® Online Encyclopedia 2000)


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