Le dernier survivant du
Bloc populaire n'est plus
par Gilles Dallaire

Transcription de l'article ci-dessous, paru dans La Tribune de Sherbrooke,
le jeudi 8 avril 1999

(article qui nous a été envoyé par le Frère Pierre Choquette, s.c.)



Transcription :

Le premier député élu à la Chambre des Communes sous la bannière du Bloc populaire canadien, le dernier survivant de la députation de ce parti politique aussi, M. J. Armand Choquette, est décédé mardi à Magog, à l'âge de 93 ans.

M. Choquette avait déjoué les prévisions de tous les observateurs de la scène politique canadienne en remportant une victoire sans équivoque dans Stanstead, un comté traditionnellement collé au pouvoir, lors d'un scrutin complémentaire tenu le 9 août 1943. Il avait devancé par plus de 1200 voix le candidat du Parti libéral, Robert G. Davidson, un gros fermier des environs de North Hatley, qui avait été élu député en 1940, mais dont l'élection avait été annulée au terme d'une interminable guérilla judiciaire, parce que des irrégularités flagrantes avaient été commises. Son adversaire avait ramassé tout le vote anglophone ou presque mais il lui avait rendu la monnaie de sa pièce avec intérêts en milieu francophone.

Sa victoire couronnait une campagne électorale épuisante qui avait coûté à son parti 7333,26$, soit presque le double du salaire d'un député fédéral à cette époque. Il avait reçu des appuis de poids, notamment celui du président de l'Union catholique des cultivateurs, Laurent Barré, et surtout celui d'Henri Bourassa. Quelques semaines avant le scrutin, le chef de file du nationalisme québécois, qui arrivait à 75 ans, était venu prendre la parole en sa faveur sur le parvis de la paroisse Sain-Patrice de Magog. Il avait attiré plus d'auditeurs qu'on n'en avait encore jamais vu de mémoire d'homme à un rassemblement partisan tenu à Magog. "Mes partisans étaient allés à sa rencontre en si grand nombre que la circulation avait été ralentie durant presque une heure entre Eastman et Magog", rappelait-il, au cours d'une entrevue donnée à la fin de l'été 1997, en montrant une lettre reçue du fondateur du quotidien Le Devoir au lendemain de sa victoire.

J. Armand Choquette a représenté Stanstead à la Chambre des Communes pendant deux ans. Il a pris la parole à plusieurs reprises, toujours en français même si, à l'époque, presque tous les députés du Québec faisaient leurs interventions en anglais, surtout pour demander que le Canada se borne à défendre l'intégrité de son territoire en cas de conflit et pour réclamer le versement d'allocations familiales.

:Lors du scrutin général tenu en 1945, il a été défait au terme d'une campagne électorale d'une courtoisie exemplaire, par John Thomas Hackett, un avocat de Stanstead qui, selon ses propres mots, était un parfait gentilhomme et un excellent orateur capable de s'exprimer avec autant d'aisance en français qu'en anglais. Le hasard a voulu que son décès suive de quelques jours seulement le décès subit du petit-fils de son adversaire d'il y a 44 ans, Me John E. Hackett.

Son incursion dans l'arène politique fédérale a été un bref intermède dans une vie publique remarquablement bien remplie: il a été pendant 32 ans secrétaire-trésorier municipal à Sainte-Catherine-de-Hatley, où il exploitait une ferme; il a aussi été pendant quelques années président diocésain de l'Union catholique des cultivateurs.

d'avoir été député du Bloc populaire canadien n'avait pas fait de lui un partisan de la souveraineté du Québec. "J?ai beaucoup de respect pour les souverainistes sincères. Je ne crois cependant pas que le Québec améliorera son sort en se séparant du reste du Canada. Il n'y a pas de honte à faire des concessions, ni pour le Québec ni pour la Canada", confiait-il en comparant le Québec et le Canada à deux promeneurs qui avancent l'un vers l'autre sur le même côté du trottoir, fermement décidés tous deux à ne pas se tasser d'un pouce.

J. Armand Choquette dont l'épouse, Juliette Montminy, est décédée il y a cinq ans après avoir été sa compagne de tous les jours pendant plus de 60 ans, laisse 12 enfants pour pleurer sa perte. Ses funérailles seront célébrées samedi, à 11 h, en l'église de la paroisse Sainte-Catherine-de-Hatley.

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